Librairie Le Feu Follet - Paris - +33 (0)1 56 08 08 85 - Nous contacter - 31 Rue Henri Barbusse, 75005 Paris

Livres anciens - Bibliophilie - Œuvres d'art


Vente - Expertise - Achat
Les Partenaires du feu follet Ilab : International League of Antiquarian Booksellers SLAM : Syndicat national de la Librairie Ancienne et Moderne






   Edition originale
   Autographe
   Idée cadeaux
+ de critères

Rechercher parmi 31412 livres rares :
éditions originales, livres anciens de l'incunable au XVIIIè, livres modernes

Recherche avancée
Inscription

Recevoir notre catalogue

Rubriques

Les Enquetes
Catalogues
La Lettre du Feu Follet
Echos
Portfolio
Termes et concepts de la bibliophilie
Focus
Contributions
L'enigme
Nouveautes
A la librairie
Evenements
Editorial
Essais bibliographiques
Illustrateurs Gazette du Bon Ton

Focus

Focus sur... Victor Hugo et Juliette Drouet

Actualité Focus sur... Victor Hugo et Juliette DrouetActualité Focus sur... Victor Hugo et Juliette Drouet

...ou comment la passion de Victor Hugo pour sa maîtresse transparaît dans les envois autographes qu'il lui a adressés, intimement mêlée à sa passion pour les luttes politiques et les causes humanistes.


Composé en 1857, La Pitié suprême, long poème philosophique sur la Révolution, était originellement destiné à conclure la Légende des Siècles. Victor Hugo le publie finalement en 1879 à l’occasion de sa prise de position en faveur des communards.
Plaidoyer pour l'abolition de la peine de mort, La Pitié Suprême illustre l’une des premières et plus ferventes luttes politiques de Hugo, qu’il mène encore à l’aube de ses 80 ans : « si mon nom signifie quelque chose en ces années fatales où nous sommes, il signifie Amnistie » (lettre aux citoyens de Lyon, 1873)
Confrontant Hugo et Machiavel, J.C. Fizaine souligne la rigueur intellectuelle du poète au service d’un humanisme érigé en principe universel :
« Machiavel s’adresse à ceux qui veulent devenir princes. Hugo s’adresse pour commencer aux peuples, qui ont subi la tyrannie : c’est La Pitié suprême, qui définit ce qui doit rester immuablement sacré, la vie humaine, sans que la haine, le ressentiment, le souvenir des souffrances passées autorisent à transgresser cet interdit, sous peine de ne pouvoir fonder aucun régime politique et de retomber en-deçà de la civilisation. » (Victor Hugo penseur de la laïcité - Le clerc, le prêtre et le citoyen)

C’est auprès de Juliette Drouet qu’il mène ce dernier combat. Publié en février 1879, peu après leur installation avenue d’Eylau, La pitié suprême semble un écho politique à la nouvelle légitimité conquise par les deux vieux amants après 50 ans d’amours coupables. L’ultime combat de Hugo en faveur de l’amnistie et le pardon résonne dans sa vie affective à l’instar du poème qu’il composera à la mort de Juliette en 1883 :
 « Sur ma tombe, on mettra, comme une grande gloire,
Le souvenir profond, adoré, combattu,
D’un amour qui fut faute et qui devint vertu… »

Il dédicace d'ailleurs magnifiquement à Juliette un exemplaire de la Pitié suprême : « premier exemplaire aux pieds de ma dame »
 

De même, depuis sa création jusqu’à sa consécration tardive, l’histoire de Ruy Blas est indéfectiblement liée à celle de Juliette Drouet.

Recluse chez elle durant toute l’écriture de la pièce, Juliette en fut la première lectrice, le 12 août 1838 (Hugo en acheva l’écriture le 11). Immédiatement, elle tombe amoureuse de ce drame romantique dont Hugo lui promet le rôle-titre au côté de Frédérick Lemaître :
« Quel miracle que ta pièce, mon pauvre bien-aimé, et que tu es bon de me l’avoir fait admirer la première ! Jamais je n’avais rien entendu de si magnifique. Je n’en excepte même pas tes autres chefs-d’oeuvre. C’est une richesse, une magnificence, un éblouissement (...) Oh mon beau soleil, vous m’avez aveuglée pour longtemps ».
Rapidement, Juliette connaît la pièce par coeur, certains vers évoquant farouchement la relation du poète et de la comédienne : « Madame, sous vos pieds, dans l’ombre, un homme est là Qui vous aime, perdu dans la nuit qui le voile ; Qui souffre, ver de terre amoureux d’une étoile ; Qui pour vous donnera son âme, s’il le faut ; Et qui se meurt en bas quand vous brillez en haut » (Acte II, scène 2). Le 15 août, Hugo lui confirme le rôle de la reine. Juliette ne pouvait espérer une plus belle preuve d’amour : « Je vois de la gloire, du bonheur, de l’amour et de l’adoration, tout cela dans des dimensions gigantesques et impossibles… »

Malheureusement, loin de présager la gloire espérée, cette nouvelle marquera le début de la guerre ouverte d’Adèle, qui jusque là était peu intervenue dans la relation adultérine de son mari.
A la fin de l’été, Adèle écrit au directeur du théatre : « Je vois le succès de la pièce compromis (…) car le rôle de la Reine a été donné à une personne qui a été un élément du tapage fait à Marie Tudor. (…) L’opinion (…) est défavorable (…) au talent de Mlle Juliette. (…) Cette dame passe pour avoir des relations avec mon mari. – Tout en étant personnellement convaincue que ce bruit est dénué entièrement de fondement, (…) le résultat est le même. (…) j’ai quelque espoir que vous (…) donnerez le rôle à une autre personne. ». Ce sera l’amante de Frédérick Lemaître qui en héritera. Juliette ne cache pas son désarroi : « Je porte en moi le deuil d’un beau et admirable rôle qui est mort pour moi à tout jamais. (…) J’ai un chagrin plus grand que tu ne peux l’imaginer. » et, même si Ruy Blas ne rencontre pas le succès escompté, sa passion pour la pièce reste intacte : « j’ai versé tout mon sang pour vous, pour votre pièce ». Le 5 décembre 1867, alors que l’Odéon projette une reprise de la pièce, Napoléon III la fait interdire car « il ne faut pas que le scandale d’Hernani se renouvelle ». Juliette est plus affectée encore que Hugo par cette injustice, comme en témoigne son abondante correspondance. Ses lettres sur le sujet sont réunies dans l’ouvrage de Paul Souchon (Autour de Ruy Blas. Lettres Inédites de Juliette Drouet A Victor Hugo, Albin Michel, 1939).

Pendant des années, elle milite pour sa réhabilitation et, lorsqu’en 1872 Ruy Blas est enfin accueilli à l’Odéon, elle assiste et commente chaque étape de cette résurrection. Ainsi au sortir de la première lecture de Hugo aux comédiens, le 2 janvier 1872 : « Victoire, mon grand bien-aimé ! Émotion profonde et enthousiaste de tout ton auditoire. (…) Ruy Blas depuis le premier mot jusqu’au dernier est le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre. Je suis sortie de là éblouie, ravie, t’aimant, t’admirant et t’adorant comme le premier jour où je t’ai entendu. C’était autour de moi, tout à l’heure chez toi, à qui était le plus transporté et le plus ému de l’auteur et de la pièce. Je suis honteuse de te le dire si mal, mais je cède au besoin de mon cœur tout plein de ton génie et de mon amour. Te voilà, mon adoré, je me hâte de baiser tes ailes et tes pieds. »

Avec Sarah Bernhardt dans le rôle de la reine, la pièce est un triomphe qui ira croissant au fil des représentations.
Le lendemain de la première, Juliette commente cette consécration attendue depuis plus de trente ans : « Tu vois, mon bien-aimé, que je t’avais dit la vérité sur le prodigieux et formidable enthousiasme de tous les spectateurs hier. Jamais tu n’[en] as eu et n’en pourras avoir de plus grand. C’était un délire général qui allait crescendo à chaque vers. Ta sublime poésie subjuguait toutes les âmes et on sentait des effluves d’adoration sortant de tous les cœurs. Les tonnerres d’applaudissements étaient si continus et si forts qu’il jaillissait des étincelles électriques de toutes les mains. (…) Quant à moi, je sens dans ce mois béni un renouveau d’amour et il me semble que tous mes doux souvenirs refleurissent et parfument mon âme de bonheur. Et je voudrais déposer à tes pieds un bouquet divin. »

C’est Victor Hugo qui finalement dépose « aux pieds de [s]a dame » ce chef-d’œuvre du romantisme en témoignage de leur amour mythique.

Laisser un commentaire
  Assistance en ligne