Claude SIMON
Lettre autographe signée à Anne Bailly-Salins : "le Nobel est véritablement un petit enfer"
1985, 21x29.7cm, une feuille.
Lettre autographe signée de Claude Simon à Anne Bailly-Salins, datée « Salses, le 3 décembre 1985 », 26 lignes à l’encre noire sur un feuillet de papier O.C.F. Savoyeux.Passionnante lettre du lauréat du prix Nobel à une amie d’enfance, dans laquelle Claude Simon décrit les affres de la tempête médiatique qu’il subit suite à cette nomination : «
le Nobel est véritablement un petit enfer et depuis le 17 octobre j’ai compris ce que veut dire “n’avoir plus une minute à soi” ». Bien qu’il ait reçu le Prix Médicis en 1967 pour
Histoire ou encore celui de l’
Express pour
La Route des Flandres, Claude Simon est, avant ce fatidique jour du 17 octobre 1985, un auteur relativement peu connu du public français. Certes la critique l’a déjà remarqué et érigé au rang de pilier du Nouveau roman, mais son oeuvre exigeante voire hermétique peine à obtenir un succès commercial.
Dans son discours de réception du Nobel qu’il tient trois jours après l’écriture de cette lettre, il répond à ses critiques : « Laissons de côté les griefs qui m’ont été faits d’être un auteur « difficile », « ennuyeux », « illisible » ou « confus » en rappelant simplement que les mêmes reproches ont été formulés à l’égard de tout artiste dérangeant un tant soit peu les habitudes acquises et l’ordre établi [...] le reproche fait à mes romans de n’avoir « ni commencement ni fin », ce qui, en un sens, est tout à fait exact, mais tout de suite je me plais à retenir deux adjectifs considérés comme infamants, naturellement ou, pourrait-on dire, corollairement associés, et qui montrent bien d’emblée où se trouve le problème : ce sont ceux qui dénoncent dans mes ouvrages le produit d’un travail « laborieux », et donc forcément « artificiel ». »
Des épithètes qui reviennent toujours sous la plume des critiques ou des béotiens et qui n’épargnent pas
L’Herbe, son second roman qu’il évoque quelques lignes plus loin en réponse à sa correspondante : «
Oui mes tantes. Ces femmes pleines de noblesse, comme vous le dites si bien, cette noblesse que j’ai voulu faire sentir en écrivant L’Herbe où est racontée l’agonie de ma tante Arthémise à laquelle j’ai essayé ainsi d’élever un tombeau digne d’elle et de ses soeurs. »
Si la lettre débute par les contraintes de la mondanité d’écrivain nobelisé, cette seconde partie aborde des sujets plus intimes. Il évoque ainsi le terreau de sa vie et de ce roman : «
Je reviens parfois à Arbois et aux Planches », lieu où résidaient ses tantes paternelles qu’il évoque avec nostalgie : «
Vous ne pouvez savoir comme leur souvenir m’est cher et tout ce qui les entourait. » Un souvenir attendri d’une époque et d’un lieu qu’il partage avec sa correspondante : «
Je me rappelle aussi les leçons de latin de votre oncle, sa maison sur la route de Véreux. »
Cette émouvante lettre souligne l’importante part autobiographique de l’écriture de Claude Simon, quelques jours à peine avant la remise de son prix Nobel dont le discours sera le manifeste de son style.