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Autographe, Edition Originale

Emile ZOLA Lettre autographe à Jules Lemaître

Emile ZOLA

Lettre autographe à Jules Lemaître

s.d. (14 mars 1885), 13x20,6cm, 4 feuillets recto sous étui.


« Mes personnages pensent autant qu'ils doivent penser, autant que l'on pense dans la vie courante. [...] Les raisons qui font pour vous que je ne suis pas un psychologue, font que je suis un écrivain grossier. »
Brouillon de quatre pages à l'encre noire sur papier vergé écrites au recto, constituant le brouillon de la fameuses lettre-défense de Germinal adressée à Lemaître, présentée sous chemise en demi-maroquin noir moderne. La lettre définitive envoyée par Zola est conservée à la Brown University Library, USA (n°A56073) et publiée dans la Correspondance, éd. sous la dir. de B.H. Bakker, Presses de l'Université de Montréal et Centre national de la Recherche scientifique, t. V, p. 244-245.
Célèbre réponse d'Émile Zola à Jules Lemaître, farouche adversaire du naturalisme qui qualifia les Rougon-Macquart d'« épopée pessimiste de l'animalité humaine ».
Faisant face à des accusations d'immoralité pour son roman Germinal, Zola se défend d'être un « écrivain grossier » et livre d'admirables réflexions sur sa monumentale œuvre et la psyché de ses personnages dans ce premier jet passionnant, qui contient des dizaines de corrections restées inédites, sa correspondance publiée se fondant sur le texte de la lettre définitive conservée à la Brown University Library.
Ces variantes inédites et biffées, portant déjà en germe le titre de ses prochains romans (La Terre, La Bête humaine), témoignent de l'agitation de l'écrivain à la lecture de la critique à laquelle il répond le jour même. Abondamment citées, cette réponse de Zola et l'étude que lui a consacrée Lemaître sont aujourd'hui considérées comme l'une des plus importantes sources de l'exégèse des Rougon-Macquart.
Lorsque Germinal est publié en volume en mars 1885, Jules Lemaître signe dans la Revue bleue une longue et sévère critique de cette « série de vastes et lamentables tableaux », et l'achève par sa célèbre phrase désignant les Rougon-Macquart comme « une épopée pessimiste de l'animalité humaine » à laquelle Zola réagit immédiatement : « J'accepte très volontiers votre définition ‘une épopée pessimiste de l'animalité humaine' à la condition de nous entendre [biffé] m'expliquer sur le mot ‘animalité' ».
On peut se demander si cette célèbre boutade n'a pas inspiré le titre d'un des chefs-d'œuvre des Rougon-Macquart, La Bête Humaine, parue quelques années plus tard. En réponse à la provocation de Lemaître, Zola signe une des plus importantes explications de son œuvre, une réponse réfléchie, philosophique mais aussi passionnée sur son travail de romancier. Accusé par Lemaître de « simplifie[r] les âmes », il se défend notamment d'avoir créé des personnages conduits par leurs instincts, sans profondeur psychologique : « je crois fermement avoir fait la part de tous les organes, du cerveau comme des autres. Mes personnages pensent autant qu'ils doivent penser, autant que l'on pense dans la vie courante. ». Sa démarche littéraire consistant à marier le roman et la science, l'humain et l'animalité, est une dualité inconciliable selon son détracteur (« Zola aime les bêtes et leur donne autant d'âme qu'aux hommes ») ce à quoi Zola rétorque : « L'âme que vous enfermez dans un être, je la sens épandue partout, dans l'homme (biffé) l'être et hors de l'être, dans l'animal dont il est le frère, dans la plante, dans le caillou. »
Au-delà de sa propre défense, Zola se fait dans cette lettre l'ambassadeur de la sociologie déterministe de Taine, que l'on voit poindre dans un intéressant repentir lorsqu'il choisit de remplacer « milieu », un des termes de la théorie « race-milieu-moment » de Taine par le terme « terre » : « Vous isolez l'homme de la nature, je ne le vois pas sans [le milieu] la terre, [sans] d'où il sort et où il rentre. » Cette correction évoque également l'obsession de la propriété foncière qui sera l'objet de son prochain roman, justement intitulé La Terre et publié deux ans après cette missive.
La lettre prend aussi la forme d'une émouvante confession de l'écrivain, qui laisse transparaître sa confusion, éreinté par les assauts journalistiques qui ponctuent la publication des Rougon : « Pardon de vous écrire ceci sous le coup de votre étude » dans laquelle Lemaître l'a en effet qualifié d'« outrancier », ajoutant que l'écrivain « apparaît de plus en plus comme le poète brutal et triste des instincts aveugles, des passions grossières ». Zola tente d'élucider cette série de remarques acerbes : « Pourquoi dès lors ce reproche de grossièreté qui revient sans cesse dans votre étude ? Je vous avoue que c'est le seul qui m'ait blessé. Toujours la fameuse psychologie. Les raisons qui font pour vous que je ne suis pas un psychologue, font que je suis un écrivain grossier ». Les repentirs inédits de ce premier jet sont éloquents : obsédé par l'injure, il a inscrit et biffé trois fois le mot « grossier » avant de l'inclure finalement à deux reprises dans le corps de sa lettre. Il apparaît particulièrement affecté de passer pour vulgaire aux yeux de la critique, qui ne l'a pas épargné par le passé, Louis Ulbach fustigeant sa « littérature putride » et Barbey d'Aurevilly ayant qualifié ses personnages d'« ordures » à la publication du Ventre de Paris. à la suite de Flaubert et Baudelaire, il rentra dans les rangs d'une illustre cohorte d'écrivains ciblés par la critique rétrograde et les affres de la censure, qui empêcha la création au théâtre de Germinal quelques mois plus tard. Cette avalanche de récriminations lui fit ainsi partager le triste sort de son proche ami le peintre Edouard Manet, dont les chefs-d'œuvre furent également taxés de vulgarité et entachés par le scandale.
Zola achève sa missive sur une note plus cordiale, ayant apprécié l'analyse de son confrère : « L'étude que vous avez bien voulu me consacrer est certainement la page la plus pénétrante qu'on ait écrite sur moi. [...] La part que vous me faites est si grande, si belle, que j'aurais dû simplement vous remercier, vous dire la joie d'artiste et la confusion d'orgueil où vous m'avez jeté. » Dans sa critique, Lemaître marqua en effet un tournant dans la réception de l'œuvre de Zola en soulignant pour la première fois son caractère homérique, forcé de reconnaître la puissance évocatrice de Germinal. Sa critique contient notamment une série de comparaisons entre la « respiration grosse et longue » de la machine de Germinal et le grondement de la mer de l'Iliade, ou encore les foules de Zola et les chœurs antiques. Cette vision d'un Zola en poète épique fut ensuite largement reprise et partagée, parfois ironiquement, dans les milieux universitaires et littéraires : « C'est l'Homère de la vidange ! » s'écria la comtesse de Guermantes (Marcel Proust, Du côté de Guermantes).
L'existence de ce brouillon, véritable exutoire pour l'écrivain, constitue un témoignage primordial pour comprendre l'attitude de Zola, l'« Enfant de la presse », vis-à-vis de la critique qu'il a lui-même si souvent pratiquée. Dans cette ébauche écrite sous le coup de l'émotion, un Émile Zola blessé par le qualificatif immérité de « grossier » engage une discussion de fond sur son œuvre, remettant en cause l'immuable binarité du règne humain et animal.


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