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Edition Originale

Olympe de GOUGES (sous le pseudonyme de) POLYME Pronostic sur Maximilien Robespierre par un animal amphibie. Portraict exact de cet animal. [précédé de] Réponse à la justification de Maximilien Robespierre adressée à Jérôme Pétion par Olympe de Gouges.

Olympe de GOUGES (sous le pseudonyme de) POLYME

Pronostic sur Maximilien Robespierre par un animal amphibie. Portraict exact de cet animal. [précédé de] Réponse à la justification de Maximilien Robespierre adressée à Jérôme Pétion par Olympe de Gouges.

S.n. [Le Jay], [Paris] s.d. [1792], 12x19cm, broché.


Édition originale d'une insigne rareté de l'adresse pamphlétaire d'Olympe de Gouges à Robespierre, prédisant toutes les dérives de la Révolution un an avant la Terreur. Elle en sera une des nombreuses victimes et la première femme condamnée pour ses écrits.
 
Cette brochure publiée en novembre 1792 est composée de deux textes. Le Pronostic fut originellement une affiche signée d'une transparente anagramme : Polyme. Olympe de Gouges la placarde sur les murs de Paris et de l'Assemblée le matin du 5 novembre 1792, juste avant que Robespierre ne prononce son discours de défense. Une semaine plus tôt, les Girondins, par l'intermédiaire de Jean-Baptiste Louvet, accusaient en effet Robespierre d'être à l'origine de l'insurrection du 10 août 1792 et des massacres de septembre qui suivirent. Le soupçonnant de vouloir prendre la place du roi destitué (« je t'accuse d'avoir évidemment marché au pouvoir suprême »), Louvet demande une commission d'enquête contre Robespierre et un décret d'accusation contre Marat. Ces accusations maladroites et peu étayées n'auront pas l'effet attendu. Malgré les placards de de Gouges, la réponse de Maximilien lui vaudra un triomphe qui contribuera à parfaire sa notoriété et son influence sur l'Assemblée nationale. Dès le lendemain, Olympe de Gouges publie donc cette Réponse à la justification de Maximilien Robespierre et y ajoute le Pronostic dont elle réclame la maternité : « C'est moi, moi Maximilien qui suis l'auteur de ton pronostic ; moi, te dis-je, Olympe de Gouges, plus homme que femme. »
 
Les textes d'Olympe de Gouges ne furent publiés qu'à tout petit nombre d'exemplaires (d'après une lettre d'avril 1792 à son éditrice, la veuve Duchêne, elle prévoyait pour ses œuvres un tirage à 50 exemplaires). Ses pamphlets et œuvres politiques furent de surcroît en grande partie détruits après son exécution, sur ordre de l'accusateur public du Tribunal révolutionnaire. Nous n'avons répertorié que quatre exemplaires de cette brochure dans les institutions internationales : Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque municipale de Lyon, The Bancroft Library Berkeley, The Schwarzman Rare Books Collection à la New York Public Library.
Les quelques impressions ayant survécu à la destruction ont été réunis en volumes factices au XIXe siècle. Elles constituent aujourd'hui la principale source bibliographique de l'auteur. Mais contrairement à ce qu'annoncent les rares bibliographies, aucune édition collective de ses œuvres n'a été réalisée avant le XXe siècle. Cette méprise bibliographique a pour origine une brochure de 16 pages parue en 1793 chez Le Jay intitulée : Œuvres de la citoyenne de Gouges, en deux volumes, formant le recueil de ses ouvrages dramatiques et politiques. Comme l'écrit Olivier Blanc : « ODG avait prévu, fin 1792, de dédier la prochaine édition de ses divers écrits politiques à Philippe Capet, mais elle changea d'avis après le vote du 21 janvier. La page de titre seule a été conservée pour l'édition d'une brochure de seize pages, datée de 1793, dans laquelle elle prend ses distances avec l'ex-duc d'Orléans. »
 
Olivier Blanc déduit cependant de cette intention auctoriale l'existence d'une édition complète des Œuvres politiques dont il pense localiser deux exemplaires seulement à la bibliothèque de Nantes et à celle de Lyon. Ces deux institutions (les seules bibliothèques françaises avec la Bibliothèque nationale de France à posséder plusieurs écrits d'Olympe) n'ont pourtant aucune édition collective. Elles possèdent bien, en revanche, la petite plaquette Œuvres en deux volumes de Le Jay. L'hypothèse d'une édition complète des œuvres politiques contemporaine de l'auteur formulée par Blanc se fonde sur un compte rendu des archives parlementaires. Peu avant d'être arrêtée, Olympe offre en effet à l'Assemblée nationale toutes ses œuvres : « 9 juin 1793 : Adresse de la citoyenne Olympe de Gouges, connue par quelques placards et sa pièce Dumouriez à Bruxelles, par laquelle elle fait hommage à la Convention de toutes ses œuvres en faveur de la Révolution française. “Si l'Assemblée des représentants est encore pure, dit-elle, elle verra dans ma vie politique quels sont mes sentiments, et s'il faut des victimes aux tigres altérés de sang, qu'ils viennent, je m'offre la première... “ (La Convention, en raison des quelques expressions peu convenables que renferme cette lettre, passe à l'ordre du jour.) » (t. LXVI, p. 204).
 
Cette adresse ne fait pas référence, comme le déduit Olivier Blanc, à une édition, mais bien à l'ensemble des brochures imprimées successivement par la pamphlétaire et sans doute reliées ensemble par ses soins.
 
On note la réserve avec laquelle est accepté ce précieux don. Cette désinvolture trouvera un tragique écho dans cette autre mention du 1er août  : « Lettre de la citoyenne Olympe de Gouges, détenue à l'Abbaye, qui écrit à la Convention pour être interrogée par le comité qui l'a fait arrêter. (La Convention renvoie la demande au comité de Sûreté générale.)  »
 
Les seules éditions anciennes des pamphlets de de Gouges sont donc les affiches et les brochures originales.
Pourtant, il existe des différences entre les tirages que la rareté des exemplaires n'a, semble-t-il, pas permis aux bibliographes de distinguer. Ainsi notre exemplaire comporte-t-il quelques variantes notables avec celui de la bibliothèque de Lyon. La signature d'Olympe de Gouges est imprimée à la fin du premier paragraphe (adressé à Pétion) de la Réponse, au lieu d'être à la fin du texte. Plus important, la fin du Pronostic est enrichie de onze lignes supplémentaires imprimées en pied de page. On constate cependant sur les deux exemplaires la même composition, les mêmes coquilles typographiques et les mêmes fautes d'orthographe. Seules les pages où les signatures ont été déplacées ont été recomposées. Il ne semble pas possible d'établir avec certitude une chronologie entre les deux tirages, qui sont, bien entendu, issus d'une impression continue. La longue note, directement adressée à ses ennemis, qui conclut notre exemplaire, fut-elle supprimée par prudence en cours de tirage, ou au contraire ajoutée par bravade par Olympe ? Elle témoigne en effet d'un courage et d'une puissance de caractère unique : « Les lâches assassins prétendent qu'une stupeur précaire s'est emparée de mes sens, et qu'on ne me trouve jamais chez moi. Ils avaient donc eu le projet de m'y faire égorger. Certes ! Je leur déroberai ce plaisir tant qu'il sera en mon pouvoir, non pour craindre, de même que ces lâches, la mort, mais bien pour jouir, à mon tour, du plaisir de les voir un jour arriver au terme de leurs forfaits. Cependant, qu'ils apprennent que je ne fuis pas, que je ne me dérobe pas à leurs poignards. Je n'ai voulu seulement que donner la dernière main à mon Drame, en déposer le manuscrit dans le sein de la Convention nationale, et mourir ensuite en Bayard, sans peur et sans reproche. »
Cette note, éminemment expressive et prophétique, met en exergue la singularité de ces brochures éphémères, organes vitaux de la Révolution en cours et témoins historiques de l'un des plus importants bouleversements sociétaux et politiques du monde occidental.
De même, l'ordre chronologique inversé des deux textes – le Pronostic fut composé le 5 et la Réponse le 6 – répond aux nécessités de l'ébullition révolutionnaire : l'actualité prime sur la causalité. Le 6 novembre 1792, le Pronostic, écrit la veille, est déjà de l'histoire ancienne. Sa présence dans la brochure permet surtout une recontextualisation de la Réponse dans laquelle Olympe annonce être le véritable auteur du placard signé Polyme.
 
Pourtant ce diptyque pamphlétaire, acteur et témoin des événements en cours, relève d'une ambition plus vaste que la téméraire fustigation des crimes à venir de Robespierre et de son Comité de Salut Public. Il permet également à Olympe d'affirmer sa place de femme dans les débats et dans l'Histoire en marche. La Réponse et le Pronostic, ne sont pas en effet de simples accusations, aussi virulentes soient-elles, à l'encontre de Robespierre (« chacun de tes cheveux portent un crime ») et de Marat (« qui secoue de nouveau, dans ses feuilles pestilentielles, les brandons des furies »), elles sont une affirmation de la légitime prise de parole d'une femme dans une Révolution d'hommes (« Je suis utile à mon pays, tu le sais »).
Le Pronostic, bien que signé d'un pseudonyme, est avant tout un autoportrait, comme l'annonce son titre : Pronostic sur Maximilien Robespierre, par un animal amphibie, portrait exact de cet animal.
 
C'est en effet par une présentation de cette femme sans pareil que s'ouvre la diatribe imprimée sur papier rouge sang, placardée dans Paris et les couloirs de l'Assemblée. À quelques heures de l'intervention de Robespierre, dont elle sait qu'elle sera déterminante pour la suite de la Révolution, Olympe choisit donc de commencer par une apparente digression :
« Je suis un animal sans pareil ; je ne suis ni homme ni femme. J'ai tout le courage de l'un, et quelquefois les faiblesses de l'autre. Je possède l'amour de mon prochain et la haine de moi seul. »
Cet incipit, assez peu féministe en apparence, est en réalité une puissante revendication. En déclarant dès la première ligne sa féminité (puisqu'aucun homme ne se présenterait ainsi), de Gouges prend le risque de discréditer son discours. « L'animal sans pareil » qui se présente est bien une femme de corps, mais elle se veut aussi un homme de droit. Et les « faiblesses » de la femme dont elle s'affuble, sont l'altruisme et le rejet de l'ego, à l'opposé de la violence destructrice qu'orchestrera bientôt Robespierre.
 
Dans ce discours essentiel, qu'elle prend la peine de publier en brochure malgré son échec en affiche, Olympe de Gouges affirme la nécessité pour la Révolution de considérer la voix des femmes, comme équilibre nécessaire au « courage » des hommes. Si la violence assumée des « expressions fortement prononcées contre Maximilien Robespierre », lui garantit la considération virile de ses pairs, Olympe défend surtout une révolution humaniste et vertueuse. Ainsi mêle-t-elle dans ces deux textes un appel au suicide collectif de Robespierre et d'elle-même (« je te propose de prendre avec moi un bain de la Seine […] nous attacherons des boulets de 16 ou de 24 à nos pieds et nous nous précipiterons ensemble dans les flots. ») et une défense acharnée de l'intégrité physique de ses adversaires : « Robespierre, Marat se sont couverts de l'opprobre générale, mais leur tête est sacré (sic) ; et s'ils sont véritablement coupables ; il n'appartient qu'aux Loix d'en disposer. La convention nationale doit elle-même étouffer tout ressentiment et donner l'exemple de l'impartialité ; punir en un mot tous ceux qui provoqueraient le meurtre de ces agitateurs insensés. »
 
Parfaitement maîtrisée et constante, contrairement aux accusations de ses contempteurs – contemporains et posthumes – la philosophie d'Olympe de Gouges, comme son honnêteté intellectuelle, se révèle entièrement dans ce double discours qui aborde tous les grands thèmes de sa pensée.

Elle évoque l'esclavage
« Peuple de Paris […] apprends donc que [l]e titre [de Républicain] suffit pour donner des vertus que les esclaves ne sentirent jamais »

La République
« … plus d'espoir, malheureux peuple, si tu souilles une fois la République ! La République française te doit son affranchissement ; défends ton ouvrage, et garde-toi bien de céder un moment à de criminelles instigations. »

La monarchie
« Si j'ai paru voter pour la monarchie, c'est que j'avais la ferme persuasion que cette forme de gouvernement était plus propre à l'esprit français. Mais pourrais-tu disconvenir toi-même que mes principes en soient moins purs ? »
« Je te dirai plus, pour t'élever à ce degré des grands peuples, celui qui de père en fils t'a gouverné, a mérité la mort : mais après son arrêt, il serait peut-être de ta fierté de lui faire grâce. »

Robespierre
« Tu peux avoir servi la Révolution, j'en suis convenue moi-même ; mais tes excès en ont effacé, dans tous les cœurs, la reconnaissance. « […] Quoique tes discours soient pleins de sophismes, on ne peut te refuser que tu ne possèdes une connaissance parfaite des révolutions, de la vie et des mœurs des grands conquérants ; mais de grâce, ne te compare jamais avec les sages d'aucun pays. […] Maximilien ! Maximilien ! tu proclames la paix à tout le monde et tu déclares la guerre au genre humain »

Les femmes
« [Tu dis que] Tu ne sais ce que c'est qu'un despotisme d'opinions, à moins que ce ne soit l'empire de la vérité. Or, cet empire n'est pas personnel à un homme, il appartient à tous ceux qui défendent les principes de » la raison universelle ». Tu conviendras du moins, avec moi, que les femmes n'en sont point excluses [sic] »

Et son engagement
« Je sais que vous n'approuverez pas quelques expressions fortement prononcées contre Maximilien Robespierre ; c'est un de ces jets que je n'ai jamais pu retenir, quand j'ai cru voir la chose publique en danger. Mais à travers la chaleur des idées, vous y trouverez le retour d'une âme bienfaisante qui servirait de bouclier aux conspirateurs, si le fer des assassins se tournait contre eux. Telle est la base de mon caractère que tout le monde connaît. »
Accusée d'être versatile et impétueuse, elle ne suit en réalité qu'une ligne de conduite, héritée des Lumières : celle d'une révolution inclusive. Cette inclusion concerne non seulement les femmes, mais aussi l'ensemble du peuple dans sa diversité, de l'esclave au roi lui-même. Cette attention aux droits de tous est incompatible avec la violence, hormis celle du sacrifice personnel et volontaire, qu'elle offre à chaque instant : « Je suis avare du sang de mes concitoyens ; mais s'il ne faut que verser le mien pour les sauver, je saurai le répandre. »
Lors de son entretien sur France Culture du 24 août 2021 « Avoir raison avec... Olympe de Gouges », Anne Verjus récuse le terme « d'exclusion » pour qualifier le statut des femmes durant la Révolution, car il suppose une rupture avec un état précédent. Ainsi, la Réponse et le Pronostic n'appellent pas à la reconnaissance des droits de la femme, mais sont les actes d'une naissance de ces droits fondamentaux.
Avec cette brochure, l'auteur de La Déclaration universelle des droits de la femme et de la citoyenne, impose son adoption de facto, non par le bon-vouloir d'une assemblée d'hommes, mais par l'évidence cartésienne de la pensée révolutionnaire d'une femme ergo de son existence politique. Plus encore, elle établit une égalité exhaustive, sans considération de sexe, naissance, fortune ou couleur de peau. « Ni homme, ni femme », Olympe est tous les hommes et toutes les femmes. Elle veut incarner l'universalité de la Révolution, comme elle le proclame dans son Pronostic : « Dans mes discours, on trouve toutes les vertus de l'égalité, dans ma physionomie, les traits de la liberté, et dans mon nom, quelque chose de céleste. » Cet audacieux autoportrait préfigure d'ailleurs celui que choisira Delacroix pour sa Liberté guidant le peuple, ou celui que la République s'attribuera sous le nom de Marianne.
 
Olympe de Gouges, assassinée par les révolutionnaires, discréditée par les historiens de la Révolution, oubliée des manuels scolaires, fut pourtant l'exacte image que la Révolution voudra retenir d'elle-même.
Noyée sous le pouvoir phallocrate, Olympe de Gouges se déclare « animal amphibie ». Bâillonnée, elle écrit, tenue à l'écart, elle s'affiche, ignorée, elle publie… Sa condamnation même fera écho à l'affirmation de son droit inaliénable : « La femme a le droit de monter à l'échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune. »
 

VENDU

Réf : 80553

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