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Autographe, Edition Originale

Louis ARAGON Poème autographe : Distiques pour une carmagnole de la Honte

5 000 €

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Louis ARAGON

Poème autographe : Distiques pour une carmagnole de la Honte

s.d. (1944-1945), 19,8x26,5cm, une feuille sous étui-chemise.


Rarissime poème satirique autographe de Louis Aragon, intitulé «Distiques pour une Carmagnole de la Honte», écrit entre septembre 1944 et février 1945. 26 vers sur un feuillet rédigé à l'encre noire, avec une note de l'auteur à l'encre bleue en bas de page.
Notre manuscrit fait partie d'un ensemble de treize poèmes rédigé au premier semestre de l'année 1945 et destiné à paraître dans une anthologie poétique (Aragon, chez Pierre Seghers éditeur à Paris, Collection « Poètes d'aujourd'hui » n° 2, 20 juillet 1945). Il fut adressé par Aragon comme copie de travail à son directeur de publication et ami Claude Roy. Ce poème autographe constitue le seul manuscrit connu des Distiques, le large fonds d'archives Triolet-Aragon de la Bibliothèque nationale de France n'en conservant ni manuscrit ni jeu d'épreuves.
Le poème autographe est présenté sous une chemise en demi maroquin bleu nuit, plats de papier à motif stylisé, contreplats doublés d'agneau beige, étui bordé du même maroquin, ensemble signé Thomas Boichot.
Véritable témoignage historique et réquisitoire contre les collaborateurs réfugiés à Sigmaringen, les Distiques d'Aragon ont été composés pendant l'hiver 1944-1945 à la suite de la publication du Musée Grévin. Exemple typique de la poésie de combat aragonienne, cette mélodie en octosyllabes et dizains condamne sans appel les chefs du gouvernement vichyiste et leurs plus fervents sympathisants. Le sarcasme, l'injure, l'invective, sont au service d'une poésie vengeresse, non sans rappeler la fureur de Front Rouge, qui signait son divorce du mouvement surréaliste. Pour autant, le ton du poème se veut alerte et enjoué : les hôtes du château de Sigmaringen y jouent, chantent et dansent, et Aragon finit le poème par un quatrain entraînant « Ah ça ira ça ira Les Pétain Laval tous à la lanterne, Ah ça ira ça ira ça ira, Les Pétain Laval tous on les pendra », qu'il emprunte à l'hymne révolutionnaire « Ah ça ira, ça ira, ça ira, Les aristocrates à la lanterne. Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! Les aristocrates on les pendra. »
Refusant de quitter la France à l'annonce de la guerre malgré les nombreuses sollicitations, Aragon entre en clandestinité avec Elsa Triolet après avoir vaillamment combattu pendant l'offensive allemande. Ces années d'Occupation marquent une période d'intense activité pour l'écrivain, qui publie clandestinement ses recueils de poésie résistante (Le Crève-cœur, 1941, Les Yeux d'Elsa, 1942, Le Musée Grévin, 1943, La Diane française, 1944) et sous divers pseudonymes des poèmes et réponses aux collaborationnistes dans les Lettres Françaises. Par ailleurs mandaté par le parti communiste pour rassembler les écrivains et intellectuels en zone Sud, il y crée une antenne du Comité National des Ecrivains, qui réunit Stanislas Fumet, Auguste Anglès, Henry Malherbe et Jean Prévost. L'exemple d'Aragon a prouvé que, dans les circonstances de la guerre, l'écriture poétique était en soi un acte de résistance, un refus de céder. Comme le remarque Claude Roy, destinataire du manuscrit qu'il publie à la fin de la guerre : « La parole d'Aragon s'élevait avec une violence et une aisance qui se répercutaient d'un bout de la France à l'autre. »
« Ça doit avoir de la dégaine/Le château de Siegmaringen/On s'y retrouve entre félons/Sous les lustres du grand salon » Aragon écrivit deux poèmes sur Sigmaringen, l'ancien château des Hohenzollern de Souabe, qui accueillit Pétain et son entourage après leur fuite de Vichy et de Belfort. Devant l'avancée des alliés et sur l'ordre du Reich, le maréchal et ses partisans y installèrent un gouvernement fantoche en septembre 1944, qui sera remplacé durant les derniers mois de guerre par une « Délégation gouvernementale pour la défense des intérêt français en Allemagne ». Aragon dédie un distique à Laval, écarté du pouvoir par cette nouvelle organisation : « Laval a l'air bien embêté / D'être en disponibilité ». On notera par ailleurs que l'auteur ajoute un « e » au nom de Sigmaringen, sans doute par jeu ironique avec le salut nazi « Sieg Heil ».
Presque huit mois durant, jusqu'en avril 1945, cette petite parcelle d'extra-territorialité a hébergé entre ses murs plus d'un millier de collaborateurs fuyant les représailles de la Libération. S'y retrouvèrent des intellectuels et des écrivains en disgrâce comme Céline ou Lucien Rebatet, parmi des miliciens, gestapistes et hommes politiques exilés. Les journalistes germanophiles sont dans le poème les cibles d'une satire très virulente : Paul Ferdonnet, responsable de l'appel à la capitulation sur les ondes de Radio-Stuttgart (« Pétain tous les soirs joue aux cartes / Avec le traître de Stuttgart»), Hérold-Paquis, adhérent d'honneur des Waffen SS (« Mon cher monsieur Hérold Paquis / Parlez nous un peu du maquis »). L'anathème se poursuit avec les têtes de cette délégation, qui fut désavouée par Pétain dès sa création – elle était composée de Joseph Darnand, secrétaire d'État à l'Intérieur, de Marcel Déat, ministre du Travail et de la solidarité nationale, et de l'acteur Jean Luchaire, commissaire à l'Information : « Darnand se plaint à Jean Luchaire/Des déménagements si chers / José Laval cette idée a / De séduire Marcel Déat. »
Les ennemis y sont clairement nommés, les bourreaux et les traîtres exposés par de courts vers saccadés. Une note d'Aragon en partie inférieure du manuscrit nous éclaire davantage sur le dessein du poème, qui doit être déclamé sur l'air du chant révolutionnaire : «(1) note pour une lecture: les distiques se disent en coupant l'octosyllabe par la moitié sans égard au sens. Le quatrain terminal se chante sur l'air connu avec une voix de basse, funèbre et éraillée ». Aragon exhume la carmagnole, hymne des sans-culotte à partir de 1792, et témoigne du même esprit d'insoumission qui régnait plus d'un siècle auparavant. Égrenant les grands noms du collaborationnisme français tels qu'on chantait les condamnés à mort de la Terreur, il use à loisir des caricatures d'antan : « Jamais dit Fernand de Brinon/ Beau nez n'a déparé beau nom »
La pique est destinée à l'ambassadeur de Vichy auprès des autorités allemandes, aussi célèbre pour son nez proéminent que pour sa noble extraction. La sentence symbolique des deux chantres de la collaboration Pétain et Laval est prononcée par Corinne Luchaire, l'actrice et égérie des vichyistes, réfugiée avec son père à Sigmaringen : « Et Corinne se lève et chante / D'une voix plaintive et touchante. Ah ça ira ça ira ça ira / Les Pétain Laval tous à la lanterne / Ah ça ira ça ira ça ira / Les Pétain Laval tous on les pendra »
Magnifique poème empreint de fièvre révolutionnaire et d'aspiration humaniste, ce précieux manuscrit de poésie résistante est une des rares œuvres autographes d'Aragon encore en main privée.
 

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