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Autographe, Edition Originale

Donatien Alphonse François, Marquis de SADE Lettre autographe inédite à sa femme. L'oeil du Marquis : « ... et suis-je donc ici pour des années ? Adieu je suis au désespoir. »

Donatien Alphonse François, Marquis de SADE

Lettre autographe inédite à sa femme. L'oeil du Marquis : « ... et suis-je donc ici pour des années ? Adieu je suis au désespoir. »

S.n., s.l. s.d. (février 1783?), 11,7x19,1cm, Une page sur un feuillet remplié.


Lettre autographe inédite de Donatien Alphonse François de Sade rédigée d'une écriture fine et serrée sur une page adressée à sa femme.
Deux petites brûlures causant la perte de quelques lettres en haut du premier feuillet.
Adresse de Madame de Sade à Paris sur la quatrième page.
Provenance : archives de la famille.
Sans date, cette lettre a été rédigée au début du mois de février 1783, durant l'incarcération du Marquis à la prison de Vincennes.
Cette lettre pleine de douleur physique et morale est écrite depuis la cellule enfumée du Donjon dans lequel est consigné Monsieur le 6, interdit de visites depuis plus de deux mois et souffrant de cécité partielle et de terribles maux de tête.
En apparence décousue, mêlant remerciements, plaintes, supplications et reproches, cette lettre d'amour autant que de haine, révèle la très grande faiblesse du prisonnier en cette période charnière de sa vie carcérale. C'est en effet exactement à cette période que prend forme dans sa tête malade l'univers littéraire unique du Marquis de Sade.
« J'ai reçu la lettre du docteur et je vous en remercie, j'y répondrai quand je pourrai onque ma tête le pourra.» C'est au commencement de l'année 1783 que le Marquis subit d'importantes inflammations oculaires ; il perdra presque totalement l'usage de ses yeux de janvier à juillet 1783. Sade rédigera un rapport détaillé de ses maux dans un précieux document intitulé Journal de mon œil. Concernant ses céphalées, il écrit dans son Journal pour le mois de février : « Le 9 souffrant horriblement, j'eus nuit bonne mais de grandes douleurs de tête. Le 10 si mal à la tête que je ne pus me lever qu'à trois heures. » C'est d'ailleurs cette unique allusion à des maux de tête qui nous permet de dater précisément cette lettre. Le «docteur» dont il est ici question n'est autre qu'Henri Grandjean, chirurgien-oculiste du roi et de la famille royale, envoyé examiner le prisonnier à la suite de ses instantes demandes : « Je vous prie de m'envoyer un médecin oculiste, et le meilleur de Paris. » (Lettre à Renée-Pélagie du 4 février 1783). Le Marquis est alors très anxieux à l'idée de perdre la vue, comme le trahit la très fréquente répétition du verbe voir à quelques lignes d'intervalle : «me venir voir», «si je les vois» ou encore «si vous me voyiez».
C'est cependant sous l'effet de cette cécité naissante et des douleurs afférentes, qui le privent de toute distraction et le contraignent à l'inertie, que Sade commence à imaginer ses futures odyssées érotiques comme il le confessera quelques mois plus tard dans une lettre d'avril 1783 : « Mon œil est toujours le même, et on est très éloigné de penser même à me le guérir [...]. Au reste, je m'en occupe moins, je lis moins, je travaille moins, et ma tête erre sur autre chose avec une force si prodigieusement plus vive, qu'en réalité, à l'inconvénient près qu'il est fort grand, je serais presque tenté de n'en être pas fâché ! Je l'avais toujours bien entendu dire, qu'un sens affecté triplait la force de l'imagination, et je l'éprouve. Ça m'a fait inventer une singulière règle de volupté. C'est que je suis très persuadé que l'on parviendrait à rendre les plaisirs de l'amour au dernier degré de force possible, en amortissant un ou deux sens, et même plus, chaque fois qu'on veut jouir. »
Mais pour l'heure, le Marquis, encore loin de cette introspection fertile, est submergé par l'omniprésente souffrance qui semble le maintenir dans un état de grande confusion.
Affaibli par cette violente affliction, Sade, «à bout», cède «au désespoir», et quittant la posture virulente qui lui est coutumière, devient une victime impuissante, soumise à la cruauté du clan des Montreuil : «N'obtiendrais-je donc jamais la plus légère faveur des bourreaux qui vous entourent ne sont-ils donc pas encore las de me persécuter, pour moi je le suis bien de souffrir. Eh mon Dieu je suis à bout.» Cette supplique semble préfigurer les longues plaintes de la future Justine qui, cible du mauvais sort et des plus abominables châtiments, se laisse aller aux lamentations. À l'instar de son héroïne, Sade met à nu une faiblesse non feinte, marquée par l'étonnante litanie vocative «Eh mon dieu».
Blessé tant physiquement que moralement, il s'en prend à Renée-Pélagie, qui malgré l'interdiction (depuis le 28 novembre 1782) de visiter son mari et son entrée au couvent de Sainte-Aure, continue à lui être fidèle et à correspondre avec lui.
Cependant, ces échanges assidus semblent, mystérieusement faire enrager le Marquis : «Laissez-moi respirer au nom de Dieu au moins quinze jours, sans m'accabler comme vous faites de coups de poignards sur coups de poignards.» Dans les rares lettres de Renée-Pélagie subsistantes à cette époque, il n'y a pourtant nulle trace d'animosité ou d'«exécrables lettres», et «les poignards» sont plus vraisemblablement l'expression de sa souffrance paranoïaque.
On assiste d'ailleurs ici à un bipolarisme flagrant, où l'on devine un Sade partagé entre la souffrance physique provoquée par sa maladie et le manque moral causé par la suspension des visites : «Je voudrais ajouter à cela que si vous pouviez obtenir de me venir voir vers le commencement du carême, le plus grand service que vous pourriez me rendre serait de m'apporter vous-même les affaires-là qui me ferait mourir si je les vois venir sans vous.» Pour échapper à la folie, il met en place un calendrier relativement précis comme en témoignent les repères temporels abondants de cette lettre : il demande la tranquillité «jusqu'au premier mars», c'est-à-dire «au moins quinze jours», ce qui amènerait une possible visite de sa femme «vers le commencement du carême» soit à «[l']époque du 1er mars», visite qu'il pourra néanmoins attendre «jusqu'en 8».
Mais l'agenda rassurant de ses visites conjugales se dissout soudain dans une temporalité effrayante, où se font écho la conscience précise du temps écoulé «depuis six ans que je souffre», et l'incertitude de l'avenir carcéral : «Suis-je donc ici pour des années?»
Dès lors, le Marquis de Sade, aristocrate malchanceux en instance de libération et qui consacrait toute son énergie à cette seule finalité, devient pensionnaire attitré du donjon de Vincennes. Et de cette nouvelle posture naîtra bientôt la possibilité d'accéder à une liberté plus vaste que celle vainement espérée sa vie durant : l'écriture.
Une des rares lettres intimes encore inédites du Marquis de Sade.

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Réf : 59364

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