Donatien Alphonse François, Marquis de SADE & Maître CHARPENTIER
Preuve de dépôt manuscrite du testament olographe du Marquis de Sade rédigée sous la Terreur
2 messidor an II [20 juin 1794], 19,5x24,3cm, une feuille rempliée.
Une des deux seules preuves de dépôt du testament olographe du Marquis de Sade, rédigée de la main de Maître Charpentier à Paris, sur papier à timbre :
"Monsieur Philippe-Augustin Laude m'a remis un paquet cacheté de cinq cachets, sur lequel est inscrit : ceci est mon testament holographe, laissé entre les mains du citoyen Charpentier, notaire, place de l'école - signé : Sade. Paris, ce 2 messidor an II. [20 juin 1794]
"Inscription de la main de Sade au dos : "pièce déposé (sic) chez Mr Charpentier notaire place de l'école à Paris".Cette preuve de dépôt est mentionnée par Maurice Lever (note n°26 pp. 753-754) :
"Le texte [du testament] ne nous [...] est pas parvenu et nos recherches au Minutier central des notaires sont demeurées vaines. Nous possédons toutefois deux documents essentiels sur ce testament, dont on ignorait jusqu'ici l'existence : 1° Reçu de Me Charpentier sur papier timbré [notre document] [...]
2° Attestation de la main de Sade ainsi libellée : "J'atteste qu'il existe chez le citoyen Charpentier, notaire place de l'Ecole, un testament olographe contenant mes dernières volontés. Je prie qu'on le retire pour en exécuter littéralement les clauses. A Paris, ce vingt-cinq frimaire, l'an IV de la liberté [16 décembre 1795]. Sade." Au dos, toujours de sa main : "PAPIER IMPORTANT" (Arch. Sade. Documents inédits.)" (Lever,
Sade). Cette attestation est donc un témoignage fondamental : c'est la trace du premier testament du Marquis, antérieur à celui de Charenton, rédigé en pleine Terreur.
Elle date du séjour du Marquis à la Maison Coignard à Picpus. A la fin de l'année 1793, l'opportuniste Eugène Coignard ouvrit cette maison de santé destinée à recueillir les riches "suspects", alors retenus dans les prisons parisiennes de la Terreur. Ces privilégiés que l'on faisait passer pour malades bénéficiaient, en échange d'une pension exhorbitante, d'un meilleur traitement et se donnaient une plus grande chance d'échapper à la guillotine. Le pensionnaire Sade, jusqu'alors retenu à Saint-Lazare, arrive à Picpus le 27 mars 1794 ; il est ravi de sa nouvelle demeure qu'il qualifie en ces termes :
"un paradis terrestre : belle maison, superbe jardin, société choisie, d'aimables femmes." L'euphorie laissera bien vite place à la panique : une fosse destinée à recevoir les restes des suppliciés est installée sous les fenêtres de la Maison Coignard. Sade écrit à son avocat et notaire Gaufridy :
"La place des exécutions s'est mise positivement sous nos fenêtres et le cimetière des guillotinés dans le beau milieu de notre jardin !". Le Marquis, à l'instar des autres "malades" dont la cachette a été découverte, ne se sent plus en sécurité et craint son arrestation : il décide à la hâte de faire déposer son testament chez le notaire Chapentier par un certain Philippe-Augustin Laude. Ses craintes se verront bientôt confirmées :
"A Picpus, le comble de l'angoisse est atteint en ce jour de la mi-juillet, lorsque deux hommes viennent se saisir du citoyen Magon de Lablinay, un vieillard de quatre-vingts ans. Avant de quitter ses compagnons, celui-ci remet à Coignard l'argent qui lui restait : 1200 livres en coupures de 400 francs. Le 1er thermidor (19 juillet), il monte à l'échafaud ; le soir même, son corps amputé franchit à nouveau la clôture, dans le tombereau poissé de sang." (
op. cit. p.532).
Provenance : archives de la famille.