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Jacques-Pierre BRISSOT DE WARVILLE Adresse à l'Assemblée nationale, pour l'abolition de la traite des Noirs

3 000 €

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Jacques-Pierre BRISSOT DE WARVILLE

Adresse à l'Assemblée nationale, pour l'abolition de la traite des Noirs

De l'imprimerie de L. Potier de Lille, Paris 1790, in-8 (12x19,3cm), 22 pp., relié.


Édition originale d'une des plus importantes publications révolutionnaires contre la traite des esclaves africains et premier manifeste de la Société des amis des Noirs, fondée en février 1788 par Jacques-Pierre Brissot, Étienne Clavière et Mirabeau, neuf mois à peine après la London Society for Effecting the Abolition of the Slave Trade qui leur servit de modèle.
 
C'est à Londres que Brissot, exilé et sous la menace d'une lettre de cachet pour ses écrits antimonarchiques, rencontre Thomas Clarkson, à l'origine de cette première association politique pour le droit des Noirs, née du scandale provoqué par le massacre de 142 esclaves sur le navire négrier Zong. Avant même le succès de la Révolution française et la proclamation des droits de l'Homme, Brissot décide donc de mener ce nécessaire mais très controversé combat pour l'universalité des droits humains.
Inaugurée par Bartolomé de Las Casas et La Boétie, puis porté par les quakers anglosaxons et les philosophes français des Lumières, cette lutte pour la reconnaissance des droits fondamentaux de l'être humain se confronta dès l'origine à la logique économique d'un Occident qui bâtit sa puissance et sa richesse sur le commerce triangulaire.
 
La Société des amis des Noirs, à l'instar de son alter ego anglais, décide donc de mener le combat en deux temps dont le premier doit être l'abolition de la traite des Noirs. C'est le propos avoué de cette exhortation à l'Assemblée Nationale qui, écrit Brissot, vient de « grav[er] sur un monument immortel que tous les hommes naissent & demeurent libres & égaux en droits ».
 
Cependant, bien que Brissot de Warville se défende de toute velléité d'abolition de l'esclavage (« l'affranchissement immédiat des Noirs serait [...] une opération fatale pour les Colonies »), son discours est un des plus beaux plaidoyers humanistes du temps. Grâce à une rhétorique oratoire digne des plus grands révolutionnaires, le Girondin transforme sa démonstration pragmatique de l'inutilité économique de la traite des Noirs en un manifeste éthique et philosophique des principes fondateurs de la Révolution française :
« Vous les avez rendus ces droits au peuple Français que le despotisme en avait si longtemps dépouillés ; vous venez de les rendre à ces braves insulaires aux Corses, jetés dans l'esclavage sous le voile de la bienfaisance vous avez brisé les liens de la féodalité qui dégradaient encore une partie de nos concitoyens ; vous avez annoncé la destruction de toutes les distinctions flétrissantes que les préjugés religieux ou politiques avaient introduites dans la grande famille du genre humain. Les hommes dont nous défendons la cause n'ont pas des prétentions aussi élevées, quoique, citoyens du même Empire et hommes comme nous, ils aient les mêmes droits que nous. Nous ne demandons point que vous restituiez aux Noirs Français ces droits politiques, qui seuls cependant, attestent & maintiennent la dignité de l'homme ; nous ne demandons pas même leur liberté. Non [...] jamais une pareille idée n'est entrée dans nos esprits. [...]
 
Nous demandons seulement qu'on cesse d'égorger régulièrement tous les ans des milliers de Noirs, pour faire des centaines de captifs ; nous demandons que désormais on cesse de prostituer, de profaner le nom Français, pour autoriser ces vols, ces assassinats atroces ; nous demandons en un mot l'abolition de la Traite, & nous vous supplions de prendre promptement en considération ce sujet important. »
 
Tout en récusant les soupçons d'intelligence avec l'ennemi anglais pour ruiner la France – et l'on sait ce qui lui en coûtera d'être accusé de royalisme par Robespierre – Brissot expose la condition des esclaves, de leur capture à leur exploitation, offrant une puissante analyse des causes et conséquences de ce traitement inhumain et de son irréductible logique :
 
« Ainsi ceux-là même qui sollicitent la continuation de cet exécrable trafic ont déclaré qu'en dernière analyse, pour le rendre profitable, il fallait conserver tout ce qu'il a d'atroce ; que tout y est combiné ; que la Traite des Noirs devient un commerce ruineux si l'on ne peut pas, à tous risques en entasser un grand nombre, dans l'espace calculé rigoureusement pour un nombre beaucoup moindre si l'on ne peut enfin contenir leur désespoir par la Terreur. »
 
En établissant un parallèle constant entre l'abolition des privilèges et celle de l'esclavage, Brissot opère bien plus qu'une simple dénonciation de l'inhumanité des bourreaux, il affirme, à l'aube de la Révolution française, l'universalité des droits de l'Homme et l'égalité en droits de la population noire, mais aussi en intelligence et en maturité. Il adopte ainsi une position intellectuelle très éloignée de la bienveillance paternaliste et condescendante qui polluera longtemps encore les relations entre les occidentaux et les Africains :
 
« Enfin l'on vous dira [...] qu'abolir la Traite, [...] c'est allumer la révolte parmi les Noirs.
Tel était aussi le langage qu'on tenait autrefois, pour empêcher la réforme des abus parmi nous.
Est-ce donc avec des actes de bienfaisance qu'on irrite les hommes ? [...] Ne serait-ce pas la persévérance à les charger de chaînes, lorsqu'on consacre partout cet axiome éternel que tous les hommes sont nés libres & égaux en droits. Eh quoi donc ! Il n'y aurait pour les Noirs que des fers & des gibets, lorsque le bonheur luirait pour les seuls blancs ? »
Le fleuron choisi pour la page de titre est la reproduction du célèbre sceau, créé par William Hackwood ou Henry Webber pour la Society for Effecting the Abolition of the Slave Trade, originellement surmonté de la devise : « Am I Not a Man and a Brother ? » Cette image demeure aujourd'hui encore la plus iconique représentation du mouvement international anti-esclavagiste. Cependant, les Français décident de modifier légèrement le message en : « Ne suis-je pas ton frère ? », témoignant ainsi d'une évolution signifiante de la reconnaissance de l'humanité des Noirs à la nécessité d'une fraternité entre les peuples.
 
L'Adresse de Brissot à l'Assemblée nationale n'aura pas d'effet immédiat, malgré deux autres tentatives en 1791 et 1792. La Société obtiendra toutefois, le 24 mars 1792, le vote d'un décret accordant l'égalité civique aux hommes libres de couleur. L'abolition de l'esclavage ne sera votée que le 4 février 1794, puis abrogée en 1802 par Napoléon. Après une succession de décrets et de lois intermédiaires, ce crime contre l'humanité ne sera définitivement aboli en France que le 27 avril 1848, près de soixante ans après le discours de Brissot.
 
« Eh ne vous laissez pas écarter du devoir que vous impose ici l'humanité, par la crainte de quelque interruption dans les travaux peu nombreux qu'occasionne en France la Traite des Noirs ! Avez-vous écouté cette crainte, lorsque d'une main hardie vous avez renversé tous les abus qui contrariaient une Constitution libre ? Ces abus alimentaient cependant des milliers d'individus ; la commotion causée par cette révolution a jeté toutes les fortunes dans l'incertitude, fait resserrer les capitaux, suspendu presque tous les travaux. Quel mauvais citoyen ose cependant se plaindre de cette suspension nécessaire ? Ce n'était pourtant pas votre sang que versaient vos tyrans ; ils ne violaient pas à chaque instant l'asile de votre maison ; ils ne vous condamnaient pas injustement pour avoir le droit de vous vendre ; ils ne vous arrachaient pas à vos foyers pour vous plonger dans une éternelle captivité, & sur une terre étrangère. Or si, pour recouvrer la liberté, à laquelle sans doute on doit sacrifier la vie même, vous n'avez pas balancé à suspendre le mouvement d'une immense Société, pourriez-vous balancer, lorsqu'il s'agit du sang de milliers d'hommes à suspendre le commerce de quelques individus par la crainte de compromettre leur fortune ? Ils sont pères de famille ! Eh quoi ! ces Nègres ne sont-ils pas pères aussi ? N'ont-ils pas aussi une famille à entretenir ? [...]
 
Hâtez-vous [...] de déclarer vos principes sur cette question, de déclarer à l'univers que vous ne prétendez pas les écarter, lorsqu'il s'agit de l'intérêt d'une autre Nation. L'honneur du nom François l'exige. Les peuples libres d'autres fois ont déshonoré la liberté en consacrant l'esclavage qui leur était profitable. Il est digne de la première Assemblée libre de la France, de consacrer le principe de philanthropie qui ne fait du genre humain qu'une seule famille, de déclarer qu'elle a en horreur ce carnage annuel qui se fait sur les côtes d'Afrique. »
 
A l'heure de la remise en question de certains droits fondamentaux que l'on croyait définitivement acquis, la déclaration de Brissot, fruit d'un combat humaniste de deux cents ans et qui nécessitera encore un demi siècle pour être mené à bien, constitue une étape essentielle du long combat, toujours inachevé, pour la défense et la préservation de la dignité humaine.

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