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Victor HUGO Les Misérables

Victor HUGO

Les Misérables

Pagnerre, Paris 1862, 14,5x23,3cm, 10 volumes reliés.


Edition originale française parue simultanément avec celle de Bruxelles.
Reliures en demi basane rouge chagrinée et glacée à coins. Dos à faux nerfs plats orné de 3 fleurons et filets à froid. Titres et tomaisons dorés. Légères traces de frottement. Un feuillet interverti entre le tome 4 et le tome 8 (feuillet 97), avec une mention manuscrite. Quelques rares rousseurs éparses sur un ensemble bien frais. Une trace de mouillure pâle sur les 3 premiers feuillets du premier volume. Beaux volumes solidaires et homogènes. Sur certaines premières pages de texte, un nom manuscrit commençant par un G.

L'édition originale des Misérables fut légalement établie par trois éditeurs différents, Pagnerre en France, Lacroix en Belgique et Steinacker en Allemagne, mai cette dernière sous l'égide de l'éditeur officiel A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie.
La question de la prévalence d'une édition sur l'autre agite depuis longtemps le monde de la bibliophilie et les bibliographes sont restés divisés sur cette épineuse question. Carteret et Vicaire par exemple assuraient que l'édition parisienne devait être privilégiée, tandis que Vanderem et Clouzot donnaient la primeur à l'édition belge. Plus qu'une simple question de chronologie, cette dispute bibliographique révèle la complexité de la notion d'édition originale et l'importance symbolique qu'elle revêt pour l'histoire littéraire et en particulier pour cette œuvre magistrale qui compte parmi les plus importantes de la littérature mondiale.
Etrangement, sans que cette question ait été réellement tranchée, l'édition de Bruxelles est aujourd'hui communément décrite comme antérieure à celle de Paris, tandis que l'édition de Leipzig est tout simplement ignorée. Les Misérables seraient donc parus le 30 ou 31 mars chez Lacroix et le 3 avril chez Pagnerre.
Les arguments de cette antériorité belge sont cependant tous réfutables, et dès 1936, Georges Blaizot en avait démontré la fragilité.
Le premier argument s'appuie sur une lettre de Victor Hugo adressée à Lacroix de 1865 et dans laquelle, le poète qualifia lui-même l'édition belge de « princeps » : « Typographiquement, il faut se régler en tout sur l'édition belge princeps des Misérables, en dilatant plutôt qu'en resserrant » écrit-il au sujet des Travailleurs de la mer qui paraîtront en 1866. Or cette désignation de Hugo n'est en aucun cas une indication bibliographique, comme l'explique Georges Blaizot, dénonçant l'interprétation abusive de P. de Lacretelle et du Dr Michaux : « Le poète précise un point, un seul, très simple, très clair, très précis : l'édition belge princeps (c'est-à-dire la première parue des éditions belges) doit servir de type aux éditions futures. Il dit cela, il dit bien cela, il ne dit que cela. » (Georges Blaizot in Le Bulletin du bibliophile et du bibliothécaire, 1936). En effet à la fameuse édition in-8 succèdera une plus modeste édition in-12 en octobre de la même année.
Le second argument est plus important. Il s'appuie sur une lettre d'Adèle Hugo à son mari relatant la rocambolesque aventure de la publication française quatre jours avant la date prévue.
Cette lettre sera partiellement reproduite en 1904 dans les œuvres complètes publiées par Meurice et Simon, avec la date supposée du « [31 mars 1862] ». Adèle y raconte les motifs de la précipitation éditoriale française : « Auguste [Vacquerie] nous apprend que Les Misérables paraissent sous trois jours. Étonnement mêlé de satisfaction. Auguste me raconte qu'ils comptaient faire paraître Les Misérables le 7 avril ; que le matin [Noël] Parfait était accouru effaré chez [Paul] Meurice lui dire qu'il sortait de voir aux mains de [Paul] Siraudin, un exemplaire des Misérables qu'il avait acheté la veille à Bruxelles. »
Ce témoignage et la datation de la lettre dans ces notes de l'éditeur sont sans doute à l'origine de l'affirmation de l'antériorité de la publication belge. De fait, il est indéniable qu'à cette date, l'édition française n'a pas encore paru, puisque l'imprimeur Claye ne déposera les deux tomes parisiens aux Archives nationales que le lendemain, le 1er avril 1862. L'édition de Lacroix serait donc, en ce sens, véritablement « princeps ».
La lettre d'Adèle, n'est en fait pas du 31 mars mais a été écrite sur trois jours : « commencée dimanche (donc le 30 mars) et finie aujourd'hui [mardi] premier avril ». Elle supposerait donc une existence de volumes brochés à Bruxelles dès le 29 mars (et sûrement pas le 30 qui était un dimanche). Or au même moment, Hugo et Lacroix étaient en pleine tractation épistolaire pour régler cette délicate question de la date de parution prochaine : « Mon cher maître, écrivait Lacroix le 30 mars, nous avons tout combiné pour le 4 avril, (...) il faut qu'à Paris l'ouvrage paraisse aussi cette semaine ». De son côté Hugo, le 1er avril, avertissait son éditeur : « on prétend que le livre qui ne peut (...) paraître à Paris que le 7, paraîtra le 3 partout ; de sorte que Paris, cœur du succès, serait servi le dernier. Ce serait là une faute incalculable. Paris servi après tout le monde, c'est le succès attaqué à sa source ».
Tandis qu'à Paris, Meurice, Vacquerie et Pagnerre précipitent la parution française pour contrer les belges qui « ont tenté de jouer un tour » aux français, comme le rapporte Adèle à son mari, à Guernesey, Hugo hausse le ton auprès de son éditeur en martelant l'importance de l'édition française : « la simultanéité, bien ; mais s'il devait y avoir une priorité, c'était pour Paris. »
Quid de la parution bruxelloise en mars ? Aucune autre mention que l'aventure de Siraudin (relatée par Adèle qui le tient de Vacquerie rapportant les propos de Parfait à Meurice) ne confirme sérieusement cette hypothèse. Les journaux belges, principale préoccupation du clan parisien : « les journaux de Paris ne se soucieraient pas d'annoncer ce livre (...) après les journaux belges et de devenir leur déversoir et leur succursale », ne font encore aucune relation de cette œuvre très attendue, sinon l'Indépendance Belge qui annonce tour à tour le 30 mars : « En vente chez tous les libraires » et le 1er avril : « Demain paraît enfin la première partie des Misérables ». Conformément à la stratégie éditoriale de Hugo, les premiers extraits de l'œuvre ne seront publiés que le 2 avril, notamment dans Le Temps qui annonce depuis la veille une parution simultanée en France et en Belgique le 4 avril, et dans Le Journal des Débats, où l'article signé Jules Janin est en fait de la main de Meurice, en raison de l'urgence décrite par Adèle : « Je ne puis parler du livre ce soir puisque je ne le connais pas, dit Janin, faites vous-même la chose, Meurice. ».
Y a-t-il eu alors véritablement une publication belge en mars, ou les quelques exemplaires qui ont sans doute en effet circulé avant la parution officielle et simultanée en France et en Belgique ne sont qu'un accident isolé et sans signification ? L'étude de la correspondance de Hugo montre qu'en fait de mauvais « tour » des Belges, il s'agit simplement d'une confusion de dates imputable à ... Victor Hugo lui-même. C'est en effet Hugo qui a transmis de fausses intentions de parution simultanée le 7 avril à Vacquerie et Meurice, alors qu'il avait pressé Lacroix pour que tout fut prêt le 4 avril. Il a ainsi semé le doute et l'incompréhension chez les deux éditeurs. (cf. Bernard Leuilliot, Victor Hugo publie les Misérables, p. 240)
Les deux premiers tomes, intitulés Fantine, seront finalement mis en vente le 3 avril, en France, en Belgique, mais également en Allemagne et dans de nombreux autres pays ayant reçu les exemplaires imprimés par Lacroix. Sans doute est-ce un de ces exemplaires brochés en avance pour être expédiés jusqu'en Amérique Latine que s'est procuré Siraudin. Lacroix informait justement Hugo le 30 mars : « tout est tiré, tout était broché et les expéditions pour l'étranger en partie faites ».
Il n'y a donc pas lieu de supposer une quelconque antériorité d'une édition sur l'autre. Et c'est en parfaite entente qu'Adèle, Charles, Paul de Saint-Victor, Vacquerie, Lacroix et Pagnerre fêteront le 3 avril au soir chez Meurice l'« éclatante victoire simultanée en tous pays, le jour même de la mise en vente à Paris, à Bruxelles, à Londres, à Milan, à Naples, à St. Pétersbourg » comme l'écrit Lacroix le soir même à l'écrivain qui vient de le faire entrer dans l'histoire de l'édition.
Le succès est tel pour ces deux premiers volumes que, comme le craignait Victor Hugo, le tirage (6.000 exemplaires selon Hovasse et 7.000 selon L.C. Michel in la revue anecdotique du 15 avril 1862) de Pagnerre est épuisé très rapidement : « Le 6, on eût battu toutes les librairies de la rive gauche et de la rive droite, pour en trouver un exemplaire ». On puise donc 1.000 exemplaires dans les 5.000 exemplaires de Bruxelles destinés au marché belge et étranger, pour créer une fausse « deuxième édition » française qui est en réalité l'édition originale belge avec une nouvelle page de titre. Mais dès le 10 avril, Pagnerre est obligé de réaliser un nouveau tirage, qui sera prêt le 17 grâce aux empreintes prudemment réalisées par l'imprimeur Claye lors du premier tirage. Seules les pages de titre sont réalisées « sur le mobile » en rouge et noir avec des capitales antiques « un des joyaux de son matériel typographique ». En tout, si l'on en croit les chiffres sans doute trop optimistes (d'après Hovasse) de la Revue anecdotique et la correspondance des éditeurs, les différents tirages de cette première partie seront de près de 15.000 exemplaires à l'adresse parisienne et 12.000 à l'adresse bruxelloise, plus 3.000 exemplaires imprimés à Leipzig chez Steinacker. Cette dernière, parue en petit format, également dès le 3 avril, mériterait sans doute une plus grande attention, car en plus de participer des éditions originales, elle répond à une demande pressante de Hugo de proposer immédiatement une édition bon marché pour permettre à tous d'accéder à son œuvre, comme celle qu'établira Lacroix, peu après. La seconde et troisième partie paraîtront en revanche avec un léger décalage, le 15 mai à Paris, et entre le 16 et le 19 mai à Bruxelles, à cause d'un fâcheux accident de machine à vapeur (cf. lettre de Lacroix à Hugo du 11 mai 1862). Heureusement, le 30 juin, Bruxelles et Paris seront parfaitement synchrones pour faire paraître les quatre derniers volumes.
Toutefois, le concept d'édition originale n'est pas qu'une affaire de date. Les défenseurs de la thèse belge soulignent que c'est à Bruxelles que sont envoyées les corrections des épreuves et que, comme l'affirme paradoxalement Vicaire, Pagnerre n'est que le « dépositaire » du véritable et unique éditeur, Lacroix et Verboeckhoven & Cie.
Dès 1936, Georges Blaizot rétorquait dans Le Bulletin du bibliophile que Pagnerre n'a aucunement pris l'ouvrage de Lacroix en dépôt, mais qu'il « a véritablement établi, imprimé et vendu une édition des Misérables ». Réduire Pagnerre à un relais territorial consiste en fait à méconnaître la complexité de l'aventure éditoriale de cette œuvre majeure, dont l'enjeu n'est pas, pour le poète exilé, une simple affaire financière.
Avec Napoléon le Petit et Les Châtiments, Hugo a démontré au pouvoir impérial que le bannissement de l'homme n'entamait en rien la puissance de son verbe. Au contraire, cet exil insulaire ne pouvait que faire écho à celui d'un illustre prédécesseur. La seule arme de l'Etat est donc la censure. Et c'est cette épée de Damoclès qui va désormais commander les stratégies de publication de Hugo et de ses éditeurs. En 1856, la parution des Contemplations est ainsi la répétition générale des Misérables : Association d'éditeurs, publication simultanée en France et en Belgique, correction unique d'épreuves... Hugo songea même déjà à diviser la publication pour duper le censeur : « La 1ère livraison paraît ; c'est le premier livre, Aurore, une géorgique, une bucolique, une églogue. On se jette dessus avec d'autant plus d'avidité qu'on craint que l'ouvrage ne soit interdit et que c'est presque du fruit défendu. Que fera le gouvernement ? Arrêtera-t-il cela ? quoi ! ce livre, Aurore : cette poésie fleur de mauve et rose tendre ? - il serait inouï, fabuleux, grotesque, ineffable de ridicule ; et en même temps que les frais de la tentative du côté des éditeurs seraient six fois moindres, l'odieux de l'instruction serait pour l'empire dix fois plus grand. »
Ces précautions, sans doute inutiles pour le sage recueil de poèmes que sont Les Contemplations, seront la matrice de la publication des Misérables, immense cri d'alarme contre les inégalités qui ne pouvait qu'attiser la colère de l'Institution impériale.
Il fallait donc nécessairement que le grand œuvre de Hugo déferle sur le monde en une seule et grande vague. Si la censure empêchait l'œuvre de paraître à Paris, elle viendrait de partout ailleurs, et si on lui fermait les frontières, elle serait déjà dans la capitale. Impression multiple, synchronisation et division de l'œuvre étaient la clé de la réussite de cet habile jeu du chat et de la souris. À cette menace s'ajoutait celle plus prosaïque de la contrefaçon qu'il fallait prendre de court. Un mois après la sortie de Fantine, les deux premiers volumes du roman, près de dix éditions pirates circulaient en Europe.
Albert Lacroix aurait bien souhaité entreprendre seul cette épopée et diffuser en France ses exemplaires, comme il le fit pour le reste du monde. Hugo, malgré l'insistance de Hetzel - qui le courtisait depuis longtemps pour obtenir ce Graal - avait explicitement choisi ce jeune éditeur belge inconnu et inexpérimenté, au détriment de ses habituels partenaires. Lacroix et Verboeckhoven sont les seuls éditeurs et le font savoir sur chaque volume, belge ou français. Ainsi, en regard des pages de titre de l'édition parisienne est-il inscrit « éditeur : Lacroix et Verboeckhoven & Cie ». Et La Revue Anecdotique de commenter : « L'édition française originale de Paris n'a été faite que pour éviter les formalités de douane. »
La réalité est pourtant plus complexe et si Lacroix n'a pu imposer son adresse en pied des pages de titre de l'édition parisienne, c'est que Pagnerre n'est pas un simple relais de l'éditeur belge. Au contraire, Pagnerre est, de fait, le premier détenteur des droits de publication des Misérables.
En effet, en 1832, Hugo signe avec l'éditeur de Notre-Dame de Paris, Gosselin, un premier traité promettant son prochain « roman en deux volumes in-8 ». Puis en 1848, ils précisent ensemble, par un nouveau contrat, le titre de ce roman : Les Misères « dont le rythme [d'écriture] est devenu celui d'une période d'achèvement » (Leuilliot, p.18). Mais la révolution de 1848 puis l'exil du poète mirent un terme au « livre des Misères » dont Charles Hugo annonçait l'imminente parution dans L'événement du 31 juillet 1848. Ainsi lorsque, douze ans plus tard, Hugo reprend son œuvre par ces mots : « 14 février (1848) (ici le pair de France s'est interrompu, et le proscrit a continué :) 30 décembre 1860 Guernesey. », il est encore lié à son ancien éditeur dont le successeur n'est autre que Laurent Pagnerre.
L'hériter de la maison Gosselin-Renduel n'est d'ailleurs pas inconnu de Victor Hugo puisqu'il fut un des trois associés (avec Hetzel et Lévy) qui publièrent Les Contemplations et est toujours l'éditeur du fils de Hugo, François-Victor.
Victor Hugo vend donc son roman à Lacroix, à charge pour lui de négocier avec Pagnerre le rachat des droits au successeur de Gosselin et Renduel. « J'ai vendu aujourd'hui Les Misérables à MM. A. Lacroix et Verboeckhoven et Cie, de Bruxelles, pour 12 années moyennant 240.000 fr. argent et 60.000 fr. éventuels. Ils acceptent le traité Gosselin-Renduel. Le contrat a été signé ce soir. ». Mais plutôt que de vendre ses droits, Pagnerre préfère échanger avec Lacroix son traité de 1832-1848 contre un droit d'exclusivité de la diffusion en France.  La valeur symbolique de l'édition de Pagnerre ne cède ainsi en rien à celle de Lacroix, et l'éditeur parisien est, par son histoire, lié aux origines même du roman.
Quant aux épreuves, elles sont corrigées sur l'impression belge par la volonté de Lacroix en dépit de l'insistance de Hugo : « songez quel avantage il y aurait pour vous à m'envoyer les épreuves de l'édition de Paris » (Lettre à Lacroix du 12 janvier 1862). Même si Lacroix feint d'ignorer cette proposition, il n'en demeure pas moins que les bonnes feuilles doivent être envoyées à Meurice pour parfaire le travail : « Il importe que l'édition parisienne soit page à page et ligne à ligne identique à l'édition belge. La rapidité et la sûreté des corrections sont à ce prix, et de cette façon Meurice pourra donner les bons à tirer. Autrement, je serais obligé de demander la dernière épreuve de chaque feuille. »
Enfin, une archive du fonds Victor Hugo nous apprend que l'auteur avait explicitement demandé à Lacroix sur l'épreuve de la page de titre que soient mises en regard les deux éditions bruxelloises et parisiennes sur une page de titre commune : « Je crois qu'il faudrait mettre sur deux colonnes en regard Paris Pagnerre | Bruxelles A. Lacroix en répétant cela sur la double édition de Paris ».
Or, même si Lacroix n'a (volontairement ?) pas retenu la proposition (bien qu'il ait pris en compte les autres corrections de la page), la signification de cette note est limpide : pour Hugo, il n'y a pas deux éditions, mais une seule, dont l'impression devait être divisée en deux lieux stratégiques pour des raisons tout à la fois politiques (le risque de censure de ce brûlot magistral), sociales (la diffusion internationale d'une œuvre à portée universelle) et économiques (le risque de contrefaçon du plus grand romancier du XIXe).
Georges Blaizot concluait en 1936, que les deux éditions étaient des sœurs jumelles. Il réfutait en cela l'ancienne rumeur prétendant que, dans l'édition parisienne, « un certain nombre de phrases ayant paru dangereuses pour la France, ont été modifiées » (Vicaire). Cette croyance est cependant imputable à une malheureuse erreur de Victor Hugo lui-même qui, le 24 décembre 1865, écrivait à Verboeckhoven : « Il va sans dire encore que si un mot ou une ligne semblait dangereuse pour Paris, il faudrait l'éliminer, comme on a fait pour Les Misérables, édition Claye ». Or Georges Blaizot souligne qu'il s'agit là d'une mauvaise mémoire de Victor Hugo et que, grâce à la relecture attentive de Meurice et Vacquerie, qui « tenaient avant tout à ce que l'édition de Paris ne fût pas inférieure à l'autre », il n'y eut aucune coupe unilatérale. « Victor Hugo aura ignoré ou oublié ce détail. » (Dr Michaux cité par G. Blaizot).
Pourtant, il y a bien des différences (échappées à l'attention de ces bibliographes) entre les deux éditions, mais ce ne fut pas au détriment de la version parisienne, bien au contraire. C'est en effet à son meilleur ami et factotum Paul Meurice, qui, durant les dix-huit années de l'exil, fut responsable de la publication, des relectures et des corrections des œuvres de Victor Hugo en France et donc de l'édition Pagnerre des Misérables, que l'écrivain communiqua ses ultimes corrections, non de simple forme, mais de fond. Ces corrections seront transmises également à Lacroix, mais trop tard, et l'éditeur belge avertit Hugo que celles-ci n'apparaîtront que dans sa seconde édition.
C'est ainsi que l'édition de Pagnerre se vit enrichie de deux modestes mais signifiantes réflexions qui font défaut à l'édition bruxelloise, dans l'important chapitre de Waterloo : « Le fond de ce prodigieux capitaine, c'était l'homme qui, dans le rapport au Directoire sur Aboukir, disait : Tel de nos boulets a tué six hommes. » ; « Tel point du champ de bataille dévore plus de combattants que tel autre, comme ces sols plus ou moins spongieux qui boivent plus ou moins vite l'eau qu'on y jette. On est obligés de reverser là plus de soldats qu'on ne voudrait. Dépenses qui sont l'imprévu. ».
Plus que des sœurs jumelles, donc, les deux impressions sont une seule et même œuvre éditoriale qui porte et incarne l'ubiquité de leur immense auteur. Seul sur son rocher, et pourtant omniprésent, Hugo envahit l'espace public, poétique et politique avec une tragédie romanesque universelle qui traverse les continents (pas moins de neuf traductions en cours dès avril 1862). Véritable soufflet à l'Empire de Napoléon III, l'œuvre de Victor Hugo s'inscrit immédiatement et irrémédiablement comme un mythe laïc fondateur, illustrant la devise républicaine de 1848 puis de 1879 : Liberté - Egalité - Fraternité.

Rare et bel exemplaire de l'édition originale sans mention établie en reliure uniforme de l'époque.

[English version on demand]

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