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Autographe, Edition Originale

Victor HUGO La pitié suprême

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Réf : 46925

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Victor HUGO

La pitié suprême

Michel Lévy, Paris 1879, 15,5x23,5cm, relié.


Edition originale.
Reliure en demi chagrin vieux rouge comportant quelques discrètes restaurations, dos à cinq nerfs, date en queue, plats de papier à la cuve, contreplats et gardes doublés de papier peigné, couvertures conservées, tête rouge, reliure de l'époque.
Très précieux envoi autographe signé de Victor Hugo à Alphonse Daudet.
Tampon de la bibliothèque de Madame Daudet sur la première garde.
Victor Hugo représente pour Alphonse Daudet, comme pour les autres écrivains de sa génération, le maître incontesté du Panthéon des arts. Sa figure tutélaire parsème les œuvres de Daudet, fréquemment convoquée aux côtés de celles de Rousseau, Byron, Sand et Delacroix.
Si durant l'enfance et la jeunesse de Daudet, Hugo, géant exilé sur son île de Guernesey, demeure un idéal inaccessible, « presque en dehors de l'humanité », son retour en France lui permet de le rencontrer enfin. Aux alentours de 1875, peu après la parution de ses premiers ouvrages, Alphonse et Julia Daudet sont ainsi accueillis chez Hugo qui vit désormais avec Juliette Drouet.
Ils deviendront dès lors des intimes de la maison jusqu'à la mort du poète. Victor Hugo participe à l'éducation du jeune Léon Daudet, meilleur ami du petit-fils de Hugo, Georges et, plus tard, époux éphémère de Jeanne.
Dans ses Souvenirs d'un cercle littéraire, Julia Daudet évoque leur amitié de dix années avec l'« idole de toute la France poétique » :
« Je vois Victor Hugo au grand bout de sa table ;  le maître vieilli, un peu isolé, un peu sourd, trône avec des silences de dieu, les absences d'un  génie au bord de l'immortalité. Les cheveux tout  blancs, la tête colorée, et cet œil de vieux lion qui  se développe de côté avec des férocités de puissance ; il écoute mon mari et Catulle Mendès entre qui la discussion est très animée à propos de la jeunesse et de la célébrité des hommes connus  et de leur séduction auprès des femmes. […] Pendant le débat on est passé au salon, Victor Hugo songe au coin du feu, et célèbre, universel et demi-dieu, regrette peut-être sa jeunesse, tandis  que Mme Drouet sommeille doucement. »
L'amitié entre le dernier grand écrivain romantique et l'un des maîtres de l'école naturaliste naissante témoigne de l'acuité de Victor Hugo qui, au faîte de sa gloire, conserve une attention particulière et bienveillante pour la  littérature moderne pourtant éloignée du lyrisme hugolien.

Cette dédicace de Hugo à Daudet sur une œuvre qualifiée, avec Le Pape et Religions et Religion, de « testament philosophique » par Henri Guillemin, résonne symboliquement comme le legs à un fervent disciple de la responsabilité politique et morale de l'écrivain.

Provenance: Alphonse Daudet, vente Sicklès (1990, IV, n°1200) puis vente Philippe Zoummeroff (2 Avril 2001).

Extrait de Souvenirs d'un cercle littéraire par Julia Daudet :
" Comment oublier cette première visite chez lui, rue de Clichy, dans le modeste appartement tellement disproportionné à sa gloire, à l'idée qu'on se faisait de cette gloire qui eût comblé des palais : Il se lève du siège qu'il occupait au coin du feu, en face de Mme Drouet, sa vieille amie, (…) je suis étonnée de sa petite taille, mais bientôt, quand il va m'accueillir et me parler, je le trouverais très grand, très intimidant. Et cette timidité que je ressentis alors, je l'éprouverai toujours en face d Victor Hugo, résultat de cette grande admiration, de ce respect, comme d'un dieu absent, que mes parents m'avaient inculqué pour le poète de génie. Je ne vaincrai jamais ce tremblement de la voix chaque fois que je répondrai à ses paroles obligeantes, et je m'étonnerai pendant près de dis ans d'entendre des femmes, admises auprès de lui, l'entretenir de leur intérieur et de leurs futilités habituelles.
Ce soir-là, quand il m'eut présentée, toute confuse, à Mme Drouet, elle me dit  avec une charmante bonne grâce : — Ici, c'est le coin des vieux et vous êtes  trop jeune pour nous. Mais M. Victor Hugo  va vous présenter à sa bru, Mme Lockroy;  lui seul a qualité pour cela.
Et je fus conduite à l'autre bout de la  pièce, médiocrement grande, pourtant, mais  qui était comme séparée en deux par une  table surmontée d'un éléphant de bronze,  très majestueux, japonais ou chinois, je  pense. Il suffisait à faire deux petits groupements très distincts qui communiquaient  facilement, mais sans se confondre.
A ce moment de son retour, Victor Hugo  était éblouissant d'esprit, de souvenirs nombreux et racontés avec une verve inépuisable, quand la politique n'envahissait pas  trop sa table hospitalière. Et quelle grâce  dans l'accueil, quelles nobles façons, quel  beau sourire de grand-père sous ses cheveux que j'ai vus peu à peu blanchir  jusqu'à la neige des quatre-vingts ans I  Les poètes, tous les poètes fréquentaient  ce salon de la rue de Clichy, et plus tard  l'hôtel de l'avenue d'Eylau. Mais là, fut-ce  le changement de place? Il y eut comme  une marche descendue dans la santé, puis  dans l'esprit du beau vieillard. Et pourtant,  il aimait toujours à recevoir ses amis, et  l'hospitalité de cette maison ouverte n'était  pas un de ses moindres charmes, car, autour  de la table, embellie en un bout par les  deux petits-enfants du Maître, les convives  cherchaient encore leur mot d'ordre aux  yeux de l'hôte, et lui-même retrouvait parfois  une veine de souvenirs si vivants, si pittoresquement exprimés, qu'on en restait ébloui  toute une soirée. M mo Drouet vieillissait doucement auprès de lui, abritée sous deux  bandeaux de neige, d'une élégance un peu  théâtrale et surannée, jusqu'au jour où un  mal impitoyable creusa ses traits si fins, en  fit l'effigie douloureuse qu'a peinte Bastien Lepage, qui devait mourir en proie aux  mêmes tortures. Dans les derniers temps,  le Maître regardait douloureusement, aux  dîners intimes, cette assiette vide, cette  noble figure ravagée.
— Madame Drouet, vous ne mangez pas,  il faut manger, avoir du courage.
Manger! Elle se mourait. Le savait-il?  Essayait-il de se leurrer lui-même le beau  vieillard si résistant et si fort, et qui voyait  partir cette compagne de cinquante années!
Dans le grand salon où se penche le beau  portrait de Bonnat, au geste paternel, où le  buste par David préside immensément ;  dans le petit salon, orné de ces tapisseries  rayées et multicolores qui semblaient tendues pour Dona Sol ; dans le jardin rejoint  à la vérandah par un perron de deux marches  réapparaissent Leconte de Lisle, Meurice  et Vacquerie, Paul de Saint-Victor, le souriant Banville, Flaubert et Goncourt conversant ensemble, Mallarmé, Léon Cladel, François Coppée, Catulle Mendès, Clovis  Hugues, ombres dans un Eden évanoui ;  puis Léon Glaize, Gustave Rivet, Pierre  Elzéar, la toute petite Mme Michelet offrant  des roses un soir de fête, puis des ambassadeurs, des diplomates, l'empereur du  Brésil; des peintres, des sculpteurs, et tant  d'hommes politiques que je n'en sais plus les noms !
Voici l'impression immédiate que je traçai de l'une de ces soirées où nous nous  étions rendus, Alphonse Daudet et moi, un  soir de neige, où pendant le trajet notre  cheval tomba trois fois en traversant l'esplanade des Invalides :
Je vois Victor Hugo au grand bout de sa table;  le maître vieilli, un peu isolé, un peu sourd,  trône avec des silences de dieu, les absences d'un  génie au bord de l'immortalité. Les cheveux tout  blancs, la tête colorée, et cet œil de vieux lion qui  se développe de côté avec des férocités de puis-  sance ; il écoute mon mari et Catulle Mendès  entre qui la discussion est très animée à propos de la jeunesse et de la célébrité des hommes connus  et de leur séduction auprès des femmes. Alphonse  prétend que dans un salon rempli de talents de  toutes sortes, de tout âge, un tout jeune homme,  l'auteur inconnu, le poète ignoré aura pour lui les  regards féminins s'il est beau. Catulle Mendès lui  répond qu'il restera d'abord inaperçu, et que toute  les femmes iront à la notoriété : ceci me paraît  plus vrai. Les femmes heureusement n'ont point  que les yeux de leur visage, mais ceux de l'esprit  et du cœur. Pour les intellectuelles, la beauté d'un  artiste, d'un grand poète ne compte pas, c'est le  regard du penseur, la physionomie tourmentée de  l'homme qui vit de ses sensations. Elles vont au  talent, au chagrin qui passe, elles ne songent guère  à la beauté physique. Maintenant on pourrait  répondre que c'est par une sympathie ambitieuse  qu'elles recherchent les auteurs célèbres, mais  l'autre sentiment, celui qui les attirerait vers cette  jeunesse tentante dont parle Alphonse, me paraît  moins avouable.
Et je ris de cette prétention des deux causeurs  charmants, de nous classer, de nous analyser. Mais  dire la femme, c'est comme si on disait l'oiseau ; il  y a tant d'espèces et de genres, les ramages et les  plumages sont tellement différents !
Pendant le débat on est passé au salon, Victor Hugo songe au coin du feu, et célèbre, universel et  demi-dieu, regrette peut-être sa jeunesse, tandis  que Mme Drouet sommeille doucement. Ses beaux  cheveux blancs ombrant sa fine tête comme deux  ailes de colombe, et les nœuds de son corsage  suivant sa respiration douce, presque résignée, de  vieille femme endormie.
 
Ce fut bientôt après cette soirée qu'eut  lieu la grande manifestation de Paris défilant, avenue d'Eylau, devant les fenêtres  de cette petite chambre qui devint mortuaire en mai 1885, remplie de roses et  simplement meublée, telle que la représente, au musée Victor Hugo, une pièce  prise dans l'ancien appartement du poète,  place Royale.
Bien évocateur, ce vieux logis du Marais,"  et quand on pense que Victor Hugo y composa presque toutes ses pièces historiques  on se représente le poète, ouvrant, aux  heures matinales qui lui étaient familières,  cette haute fenêtre sur les hôtels tous égaux et du même style, qui entourent la  Place, et se remémorant les tournois, les  duels, les promenades et les agitations  de plusieurs générations disparues sous  l'ombre de ces arcades anciennes et solides  et ne gardant pas trace de la fugitive  humanité.
Nous dînions encore chez Victor Hugo la  semaine qui précéda sa mort. Il nous dit en  entrant plus pâle qu'à l'ordinaire, la démarche fléchie :
— Je vais bientôt m'en aller, je le sens ;  puis s'appuyant à l'épaule de Georges : Sans  ‘cela' il y a longtemps que je serais parti.
Je n'ai jamais oublié l'accent un peu  solennel et comme prophétique de ces  paroles, j'en fus pénétrée de tristesse et de  pressentiment; j'y sentis la dispersion de ce centre unique au monde et qui ne put se  reformer jamais !"





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