Claude SIMON
Lettre tapuscrite signée de Claude Simon à René Wintzen
Sabres 15 novembre 1967, 21x27cm, 1 page sur une feuille.
Lettre tapuscrite signée de Claude Simon à René Wintzen, signature manuscrite à l'encre noire.Pliure causée par l'envoi postal.
Lettre adressée à René Wintzen, ancien rédacteur en chef de
Documents, revue des questions allemandes. Il est, au moment de l'envoi de cette lettre, le rédacteur en chef de la revue et de la maison d'édition « Vent debout » et organise des conférences. Claude Simon lui écrit cette lettre afin de répondre à une invitation à un colloque à la maison de la culture de Bourges sur le thème « Littérature et document ». Par son refus de participer au colloque, Claude Simon exprime ici son point de vue concernant la différence entre roman et document et définit donc en filigrane sa poétique du roman.
L'écrivain évoque ainsi le roman comme une
« oeuvre qui s'accomplit et n'existe que dans et par l'écriture » qui ne peut donc être un
« document sur des problèmes sociaux, historiques, psychologiques ou autres ». Cette prise de position se place dans la ligne de celle des défenseurs du nouveau roman, groupe d'écrivains dont Claude Simon fait partie. Comme l'écrit Alain Robbe-Grillet en 1953 dans
Pour un nouveau roman, les auteurs doivent s'écarter de toute tentative de réalisme, caractérisé par l'oeuvre de Balzac, qui ferait justement du roman une forme caduque, entre témoignage et écriture romanesque. Ce roman document
« tablant sur l'inculture et la paresse d'un public naïvement avide de “s'informer en se distrayant” », est voué à un échec double selon Claude Simon puisque
« le lecteur mystifié ne peut trouver ni roman ni document ». Le romancier rejette donc de manière brutale la proposition de René Wintzen en qualifiant
« d'accouplement burlesque de deux mots » le thème même du colloque « Littérature et document ».
On peut néanmoins comprendre pourquoi René Wintzen souhaite inviter Claude Simon cette année-là. Le romancier vient justement de faire paraître
Histoire aux Éditions de Minuit, roman qui mêle son histoire familiale à celle de la guerre d'Espagne, et qui pourrait donc apparaître comme un « document » sur la guerre.
Ce désaccord ne sépare néanmoins pas les deux hommes. Dans une lettre de 1975, Claude Simon remercie même René Wintzen pour la compréhension de ses ouvrages.