Abraham ROGERIUS
La Porte ouverte, pour parvenir à la connoissance du paganisme caché
Chez Jean Schipper, à Paris 1670, in-4 (18x23,5cm), (16) 371pp. (5), relié.
Édition originale de la traduction française de Thomas la Grue (l'originale est parue en néerlandais en 1651 et une édition allemande a été imprimée en 1663), illustrée d'un magistral titre frontispice montrant une cérémonie de danse sur le feu, de trois gravures pleine page et de deux à mi-page (comprises dans la pagination) et d'une planche dépliante constituée de dix figures ; toutes ces planches ont été réalisées par Roger d'après ses observations. Une autre édition est parue la même année sous le titre
Le Théâtre de l'idolatrerie, ou La Porte ouverte pour parvenir à la connoissance du paganisme caché ; le texte est exactement le même.
Reliure légèrement postérieure (probablement XVIII
ème) en plein cartonnage façon vélin moucheté, dos à cinq nerfs présentant deux étiquettes manuscrites anciennes de bibliothèque. Coiffes un peu frottées, celle de tête légèrement fendue et un petit manque en mors de queue du plat supérieur. Feuillet Tt relié après Tt
2 et Tt
4 avant Tt
3.
Une étiquette du « cabinet de M. Janvier de Flainville » et l'ex-libris de la Bibliothèque du Baron de Caix Saint-Aymour encollés sur le premier contreplat. Notes manuscrites datées de 1767 concernant l'achat de l'ouvrage au verso de la première garde.
Ouvrage rare et curieux relatif aux cérémonies religieuses et aux maléfices traditionnels de l'Inde. Son auteur, « pasteur protestant, s'embarqua en 1640 pour les Indes orientales, et resta près de six ans attaché comme ministre de l'Evangile à la factorie hollandaise de Palivent, sur la côte de Coromandel. Il profita de son séjour dans cette contrée alors peu connue, pour s'instruire des usages des Hindous, et ayant eu le bonheur de se lier avec quelques brahmines, il en obtient des renseignements précieux sur leur croyance et leur culte » (Caillet,
Manuel bibliographique des sciences psychiques ou occultes, 9560).
Il s'agit du premier livre connu sur les Brahmanes, la majeure partie de l'ouvrage leur est d'ailleurs consacrée. Une autre section est dédiée aux « Cent proverbes du Payen Barthrovherri », poète sanscrit. Le dernier chapitre intitulé « Extrait de la Chine illustrée du Révérend Père A. Kirchere » reprend l'ouvrage de ce dernier lui aussi consacré aux Brahmanes. Comme le souligne Devika Vijayan (« Dieux monstres de l'Inde : la négation de l'art dans le discours des voyageurs français aux Indes orientales (XVII
ème siècle) »,
Viatica), au moment de la publication de l'ouvrage, aucun auteur ne s'est intéressé à l'hindouisme : « Roger n'a donc pas tort, dans ces circonstances, de proclamer qu'il a ouvert les portes d'un univers inconnu. Son livre est en effet riche de distinctions nouvelles. Il discerne d'abord la diversité des sectes shivaïtes et vichnouites, expose les dix avatars du dieu Vichnou et présente le Bouddha comme l'un de ces avatars. Il reconnaît également que les hindous affirment la souveraineté d'un Dieu seul et unique. C'est aussi dans La Porte ouverte de Roger que l'iconographie commence à prendre une couleur distinctement hindoue, comme le montre le frontispice, qui révèle un effort du dessinateur pour offrir aux lecteurs une image globale de l'hindouisme, de ses coutumes religieuses et des représentations de ses divinités. En haut de l'illustration se trouve un temple indien flanqué de deux divinités hindoues, l'une des deux étant le dieu éléphant Ganesh. En bas est représentée la fête de Jagannath. La statue de ce dieu est posée sur un chariot et la machine est à son tour tirée par des pèlerins. Contrairement à la posture habituelle des voyageurs d'antan, la description des dieux est dépourvue d'adjectifs qualificatifs. Roger tend plutôt à observer, à décrire et à s'abstenir de tout jugement. »
La chercheuse s'intéresse également au jésuite Athanase Kircher, dont Roger reprend un extrait de l'ouvrage :
« Tout aussi connu de son temps qu'Abraham Roger, le jésuite Athanase Kircher, dans sa
China illustrata rédigée en latin, traite aussi de l'Inde comme du Japon, mais il ne s'est jamais rendu dans ces contrées. La traduction française paraît en 1670 à Amsterdam. Il est indéniable que Kircher méprisait le paganisme indien, mais nous observons chez lui aussi une tentative pour comprendre l'hindouisme sans en rester à une simple description qui ridiculiserait ses pratiques. Il procède à une tentative de religion comparée entre hindouisme et christianisme et entame une discussion sur la philosophie des hindous. »
Bel exemplaire de ce rare ouvrage, le tout premier à évoquer les Brahmanes et leurs rituels.